Editorial 2

by pierre_hugli@pharts_ch

Éditorial du confinement

 

Libération

Je me suis laissé dire que l’origine de la pandémie actuelle venait d’un petit animal vendu au marché de Wuhan, en Chine : un joli petit animal vivant, le pangolin, fourmilier écailleux que les Chinois mangent volontiers en ragoût, faisant aussi une soupe avec ses écailles auxquelles ils prêtent une vertu aphrodisiaque. Et si c’était un (premier ) avertissement ? « Ils ne mouraient pas tous », mais aujourd’hui un humain sur sept en est frappé. Et si c’était tout simplement, par Dieu, Allah, Bouddah ou Rat-aph, une réaction face au massacre annuel de 60 milliards d’animaux pour satisfaire  les appétits carnivores d’une certaine partie de l’bumanité?

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De peur de devenir des cons finis, les confinés devraient faire appel à la culture, sur laquelle Coline Serreau vient de donner une belle réflexion :

Pour ce qui est de la culture, les peuples nous enseignent des leçons magnifiques : la culture n’est ni un vecteur de vente, ni une usine à profits, ni la propriété d’une élite qui affirme sa supériorité, la culture est ce qui nous rassemble, nous console, nous permet de vivre et de partager nos émotions avec les autres humains.

Or, aujourd’hui, si les magasins d’alimentation et les pharmacies restent ouverts, on a fermé les galeries, les musées, les librairies, les bibliothèques, les établissements vendant ou prêtant des disques, de la musique. Les vieilles personnes peuvent recevoir des vivres à domicile, non des livres… A moins de les acheter par correspondance, ce qui n’est pas usuel pour la plupart d’entre elles, et reste bien évidemment coûteux. Bien sûr, les grands lecteurs font appel à leur propre bibliothèque, les mélomanes à leur discothèque… Ce dont j’use abondamment. On peu de temps à autre pêcher un bon film à la télévision.

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Pour ce qui est de la musique je recours volontiers, sur internet, à Youtube. Quoi de plus exaltant que de comparer les interprétations de grandes œuvres ? Je me suis surpris à écouter tout ce que je trouvais de l’ouverture de Beethoven Leonore III (après avoir revu, sur Arte, La Vérité de Clouzot, qui nous présente Samy Frey dirigeant une répétition de la conclusion.

Leonore III est l’une des quatre ouvertures que Beethoven écrivit pour son unique opéra, dont ’il mit dix ans, entre 1804, à mettre au point la version définitive. Intitulé au départ Léonore, puis  Fidelio en 1814, cet opéra conte l’enfermement de Florestan dans une prison d’Etat – l’action se situe en Espagne, mais nous sommes bien en France du temps de la Terreur, dix ans auparavant : et c’est à l’opéra français, à Méhul et Cherubini que Beethoven se réfère, pour composer une musique nouvelle sur un sujet qui annonce l’une des horreurs des futures sociétés, celles Staline à  Poutine, d’Erdogan, de Mao à Xi Jinping , en bref la détention et l’exécution des opposants. Sauf que, dans Fidelio, Beethoven met en scène le personnage providentiel de la femme, l’épouse courageuse qui va empêcher l’assassinat de son mari, et parviendra à faire libérer tous les prisonniers.

Léonore III nous plonge dans l’atmosphère de la prison, les souffrances et les espoirs du prisonnier Florestan, l’amour de Léonore-Fidelio, son courage, la respiration des prisonnier s qui goûtent l’air libre, la venue du ministre qui opère la libération, la fête finale. Léonore III n’est plus jouée au début de l’opéra, mais au début du second acte. C’est la plus longue des ouvertures de Beethoven, la plus dramatique, la plus belle à mon sens. Elle a été beaucoup enregistrée par les plus grands chefs. J’en ai écouté une bonne vingtaine, de Toscanini à New York en 1939 et Furtwängler à Vienne en 1944 à Mariss Jansons à Munich en 2015, en passant par Celibidache, Szell, , Böhn,, Karajan, Bernstein Masur, Barenboim, Ozawa, Welser-Möst, Harding… et celle de Klaus Tennstedt au Met de New York en 1984, dont j’adore l’énergie… que je vais retrouver chez la jeune Lituanienne Mirga Gražinytė-Zyla, à la tête de son Orchestre de Birmingham à Londres en 2017, qui restitue toute la puissance d’une personnalité frémissante et courageuse, à l’image de l’héroïne !

Tant il est vrai que la musique de Beethoven est toujours libératrice, porteuse d’espérance, prophétique, de tous les temps  elle est fait e pour les enfermés, les prisonniers, les reclus , elle tire de nous le meilleur, elle nous insuffle l’espoir, la générosité, elle nous sort de notre quotidienneté – et nous fait songer à tous nos frères enfermés, y compris les migrants qui, en Turquie et ailleurs, se trouvent aujourd’hui doublement confinés.

 

Pierre Hugli  6 avril 2020

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